L’arrivée d’Airbnb en France, et particulièrement à Paris, a chamboulé le marché de l’hôtellerie, mais a aussi incité les propriétaires et les investisseurs à se lancer dans le locatif saisonnier, beaucoup plus lucratif. L’engouement à Paris a été tellement fort que certains quartiers, notamment centraux, commencent à être désertés par les habitants, au profit des locations touristiques. Au prix de location pratiquée sur Airbnb, difficile en effet pour les propriétaires et les investisseurs de résister. Mais cette ruée vers l’or pourrait prendre fin avec la limitation de la durée de location annuelle des résidences principales proposée par le sénat. Ce texte a provoqué la fureur chez les loueurs, qui voient leur complément de revenu sérieusement mis en doute. Alors qu’en est-il vraiment ? Peut-on encore miser sur l’investissement locatif saisonnier ?
Ce texte propose de donner aux maires de toutes les communes de France, la possibilité de limiter la location à 60 jours au lieu des 120 actuels. De plus, la ville pourrait s’octroyer le droit de refuser la mise en ligne d’un logement si le quartier est déjà saturé. La justification de ce texte est de limiter le départ des habitants dans les centre-villes et donc une muséification de certaines villes comme Paris. Mais cette proposition est-elle efficace ? Puisqu’elle ne s’applique qu’aux résidences principales, qui sont par définition, occupées la grande majorité de l’année par leurs propriétaires, on est en droit de se demander si empêcher des propriétaires d’obtenir occasionnellement un complément de revenu via de la location à courte durée va réellement changer quelque chose au problème bien réel de la désertification des centres-villes. De plus, cela ne semble pas vraiment concerner les gros investisseurs qui achètent des immeubles entiers à Paris pour ensuite les louer, quitte à les laisser vides une partie de l’année, ce qui, on le comprend, est hautement débattable. Il ne faudrait pas confondre les loueurs occasionnels qui utilisent Airbnb comme un complément de revenu, notamment pour compenser les prix élevés de l’immobilier à Paris, et les gros investisseurs qui vivent uniquement de cette activité.
La tendance est déjà là. Pour éviter de se limiter à 120 jours de location à l’année, des investisseurs n’hésitent pas à louer des locaux commerciaux, transformés en logements. A la différence des résidences principales, les locaux commerciaux peuvent être loués toute l’année. On peut donc imaginer que si la location saisonnière se limitait à 60 jours par an, de plus en plus d’investisseurs seraient tentés de se tourner vers la location de locaux commerciaux. Sur l’année 2018, la moitié des nouveaux logements mis en ligne sur la plateforme Airbnb étaient en réalité des locaux commerciaux.
On pourrait se retrouver donc avec des immeubles intégralement loués sur Airbnb, du rez-de-chaussée au dernier étage. Après la désertification des habitants, ça serait au tour des commerçants. La mairie de Paris est là face à une réelle difficultée. Le maire-adjoint en charge du logement a déjà contacté le ministre du logement à ce sujet pour tenter de sensibiliser les pouvoir publics sur la question.
L’encadrement de Airbnb devient de plus en plus compliqué pour les équipes de la mairie. L’adéquation de la loi Française avec la justice européenne est mise en cause. La cour de justice Européenne doit se prononcer sur les obligations des propriétaires et en particulier de la plateforme. Celle-ci pourrait notamment ne plus avoir à remettre d’informations à la mairie. Ce qui rendrait le respect de la loi difficile à contrôler.